La magie nous fascine parce qu’elle a longtemps été considérée comme le trait caractéristique d’un monde radicalement différent du nôtre.
« Le Monde magique », d’Ernesto De Martino, par Nicolas Weill – Le Monde

La tarentule
En 1959, dans le sud de l’Italie, l’anthropologue Ernesto De Martino découvre et fait revivre les vestiges du rituel nécessaire à la guérison de la morsure de la tarentule
Araignée mythique, qui pique et injecte un poison capable d’entraîner rapidement la victime dans la folie, des crises fulgurantes et le besoin immédiat de soins physiques. Ainsi naquit la danse de la Pizzica : une expression des humeurs, des préoccupations personnelles qui deviennent partagées au niveau social. Ce mythe antique trouve ses racines dans un passé archétypal, imprégné de symboles et d’idées puisés dans la tradition du théâtre populaire.






Le mot « tarentisme » désigne une technique chorégraphique et musicale dédiée à la catharsis des crises psychiques, connue dans toute l’Italie méridionale jusqu’en Espagne. Le terme (en italien « tarantismo » ou « tarantolismo ») désigne précisément une pathologie qui est présente uniquement dans un contexte culturel spécifique, ce qui en fait un syndrome lié à la culture.
Dans le passé, on le considérait comme une forme d’hystérie, ou le terme désignait des manifestations idiopathiques d’origine inconnue. Par extension, le terme « tarentisme » fait également référence au phénomène culturel et thérapeutique qui constituait son contexte, historiquement présent dans le sud de l’Italie, en Sardaigne, en Corse et en Espagne.
Le tarentisme était autrefois considéré au Moyen Âge comme une maladie qui sévissait près de la ville de Tarente (d’où, selon certaines interprétations, le nom dérive) ainsi que dans la région des Pouilles et d’autres régions du Sud de l’Italie (Campanie, Calabre, Sicile, Basilicate, Sardaigne, etc.). On traitait la morsure de l’araignée appelée « tarentule » par un rituel qui comprenait la danse de la tarentelle, que le terme « tarentisme » désigne également.
Des pratiques similaires se trouvaient en Andalousie et en Sardaigne, où le rituel est appelé « argia ».
Étymologie
En langue italienne, le diminutif et/ou dialectal de « tarantola » est « taranta », et le terme « tarantella », ainsi que « tarantismo », en sont dérivés. L’origine est incertaine, selon les théories les plus crédibles, la formation du mot « tarentule » aurait été influencée par le nom de la ville de Tarente, fondée en 706 av. J.-C. par des Spartiates exilés qui l’ont dédiée à Τάρας, fils de Poséidon et de la nymphe Satyria. Vers 123 av. J.-C., une partie de la ville est occupée par les Romains, et Tàras devient Tarentum.
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Le phénomène
Le phénomène du tarentisme s’inscrit dans un système idéologique complexe et ancien, qui s’est éteint sous ses formes historiquement documentées et n’a de toute façon plus été attesté depuis de nombreuses années. Le tarentisme, qui se manifestait principalement pendant les mois d’été, se caractérisait par des symptômes de malaise général, tels que la prostration, la dépression, la mélancolie, des troubles neuropsychologiques tels que la catatonie ou les délires, ainsi que des douleurs abdominales, musculaires et de la fatigue.
L’araignée tarentule
La tarentule (« Lycosa tarantula »), traditionnellement associée à la maladie, est une araignée de grande taille dont la morsure, bien que douloureuse, est pratiquement inoffensive, et dont le venin est incapable de provoquer aucun des effets associés au trouble. Il a donc été supposé qu’une possible cause pourrait être une autre araignée, la malmignatte (Latrodectus tredecimguttatus) ou veuve noire méditerranéenne, un animal de petite taille dont la morsure est presque indolore mais très dangereuse, et qui est à l’origine du syndrome neurotoxique connu sous le nom de latrodectisme.
« La morsure de la tarentule fixe l’homme dans son propos, c’est-à-dire dans la disposition d’esprit où il se trouvait quand il a été mordu »
Leonardo da Vinci




